Suivant l’article L. 121-9. du Code du travail, « L’employeur supporte les risques engendrés par l’activité de l’entreprise. Le salarié supporte les dégâts causés par ses actes volontaires ou par sa négligence grave. »

Quelques décisions de justice viennent préciser la portée de cet article. Ainsi, il a été admis que « Cette disposition est à interpréter en ce sens que le salarié n’engage sa responsabilité que s’il commet une faute lourde équipollente au dol, la négligence grossière étant assimilée à une telle faute 1. »

Par ailleurs, la Cour d’appel indique que « La négligence grave exigée dans le chef du salarié pour engager sa responsabilité au regard du prédit article ne requiert pas la commission d’un acte délibéré, mais vise un manque de prudence, de précaution ou de vigilance caractérisé ayant eu pour conséquence de causer un préjudice.2 »

Lorsque la responsabilité du salarié est engagée au sens de l’article L. 121-9. précité, l’employeur peut procéder à une retenue sur son salaire afin d’obtenir réparation du dommage causé par celui-ci. Il est en effet précisé à l’article L. 224-3. du Code du travail que : « Il ne peut être fait de retenue par l’employeur sur les salaires tels qu’ils sont déterminés au dernier alinéa de l’article précédent que :
[…] 2. du chef de réparation du dommage causé par la faute du salarié ;
[…] Les retenues mentionnées ci-dessus ne se confondent ni avec la partie saisissable, ni avec la partie cessible. Celles énumérées sous 1, 2 et 4 ne peuvent dépasser le dixième du salaire […] »
Cependant, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve d’un acte volontaire ou d’une négligence grave, qui lui a causé un préjudice.

Dans une récente affaire 3, un employeur a opéré des retenues sur le salaire d’un salarié au motif que ce dernier avait endommagé une porte sur un chantier, lui causant un dommage se chiffrant à 10.136,41 euros. Pour procéder ainsi, l’employeur s’est référé aux articles L. 121-9. et L. 224-3. du Code du travail précités.

Dans l’affaire pour licenciement abusif qui opposait les parties, le salarié a demandé à voir déclaré non fondées les retenues opérées par l’employeur. En première instance, les juges ont estimé que les retenues n’étaient pas fondées et ont donc ordonné le remboursement par l’employeur des sommes retenues.

L’employeur a fait appel du jugement et notamment du point relatif aux retenues sur salaire. En instance d’appel il a été jugé que : « Tel que l’a relevé le tribunal du travail, les circonstances de fait à la base de l’endommagement de la porte sur le chantier de X ne ressortent pas clairement des éléments du dossier, notamment en ce qui concerne le nombre des ouvriers impliqués et le rôle joué par chacun d’entre eux. Dans un mail adressé le 21 juin 2018 à l’adresse « Info SSH », C de la Commune X fait ainsi état de deux monteurs qui auraient reconnu avoir forcé la porte litigieuse pour récupérer leurs clefs de voiture, tandis que, dans l’attestation testimoniale d’T1 et dans l’offre de preuve présentée en première instance et réitérée en instance d’appel, il n’est fait mention que de A, qui aurait admis avoir été à l’origine du dommage. La Cour ne saurait, dès lors, apprécier la gravité de la faute ou de la négligence imputée à A. »

La Cour d’appel a par conséquent confirmé le jugement de première instance dans la mesure où l’employeur n’a pas rapporté la preuve d’une faute lourde ou d’une négligence grave dans le chef du salarié.

Hormis le fait que les retenues aient été déclarées illégales, il est utile de préciser que les montants retenus par l’employeur, 5.057,84 euros, soit la totalité de la rémunération des mois de novembre et décembre 2018 ne remplissent pas les conditions prévues à l’article L. 224-3. du Code du travail. En effet, cet article précise que les retenues de salaire du chef de réparation du dommage causé par la faute du salarié ne peuvent dépasser le dixième du salaire. Dès lors, si les retenues opérées par l’employeur avaient été déclarées justifiées par la Cour d’appel, ces retenues auraient tout de même été portées à de plus justes proportions par les juges étant donné que pour chaque mois l’employeur ne pouvait retenir que le dixième du salaire.

En revanche, si le salarié avait été jugé responsable de la faute commise, il aurait appartenu à l’employeur en cas de défaut de paiement de la part de ce dernier, de procéder à une saisie-arrêt devant le juge de paix afin d’obtenir entre les mains d’un tiers (le nouvel employeur par exemple) la somme restante et ce alors qu’il n’existe plus de relation de travail entre les parties du fait de la résiliation du contrat de travail.

Ella Gredie
Conseillère affaires juridiques et sociales auprès de la FEDIL